Luc Fortin, article publié dans la revue « Lubie » en octobre 1995.
Le programme Rues Principales s’en vient à Chicoutimi ( attention, texte rédigé en 1995). En effet, depuis le printemps un groupe de personnes intéressée à faire quelque chose pour sauver le centre-ville s’est formé. Ces gens se sont fixé l’objectif de rendre aux deux centres-villes de Chicoutimi un achalandage et la vitalité qui les ont caractérisés pendant si longtemps. La rue Racine et la rue Roussel, en tant qu’artères commerciales prédominantes sur les rives sud et nord du Saguenay, verront la démarche Rues Principales appliquée sur leurs plaies béantes. Ce qu’ont vécu ces rues relève de changements fondamentaux de l’économie et de l’évolution des pays développés. J’ai rencontré le président du comité chicoutimien de Rues Principales , M. Bernard Côté, commerçant sur la rue Racine depuis plus de 20 ans et M.Gilles Tremblay, vice-président et commerçant à Chicoutimi-Nord. Ils m’ont expliqué en quoi consiste la démarche Rues Principales. Il s’agit d’une approche de revitalisation créée par un organisme à but non lucratif. Héritage Canada a mis au point une stratégie éprouvée qui aide réellement les centres-cilles sérieusement détériorés et disfonctionnels à se refaire une image et à se repositionner par rapport aux centres commerciaux. Le programme s’étale dans le temps sur une durée de deux à trois ans. Néanmoins, les premiers résultats seront perceptibles dès le sixième mois. Les principes de base qui ont rendu possible la métamorphose de plus de 40 villes et villages au Québec et au Nouveau-Brunswick sont absolument incontournables. Les gens du milieu doivent s’impliquer. Le diagnostic complet et faible doit être basé sur une collecte de données exhaustive et spécifiquement orientée sur la problématique des centres.
L’analyse des données et la stratégie menant à des plans d’action sont le fruit du dialogue avec les gens du milieu. Ces gens sont représentés par une équipe ressource. Cet échantillonnage doit obligatoirement représenter fidèlement les différents groupes de citoyens qui composent la diversité des centres-villes.
Des étapes sont déjà franchies. La cueillette des données est pratiquement complétée. Un comité permanent de 40 personnes est formé et la participation de la Ville de Chicoutimi et de la Chambre de Commerce est assurée.
Le comité Rues Principales a besoin d’argent pour fonctionner. Son mode de financement consiste en une cotisation annuelle de deux cents dollars adressée à tous les propriétaires et entreprises qui possèdent ou louent un espace commercial aux centres-villes. Les fonds ainsi accumulés défraieront le salaire d’un permanent ainsi qu’une foule d’interventions dans le milieu. Dès cet automne commenceront les soirées de travail ayant comme objectif de clarifier la problématique en établissant un diagnostic, de doter les centres-villes d’une nouvelle image, d’établir les plans d’action dans l’espace et dans le temps, de faire du recrutement commercial, de repenser la promotion et l’animation sur les rues Racine et Roussel, de déterminer les interventions physiques dans le milieu, d’étudier l’affichage et de déterminer la place réservée à l’automobile, aux cyclistes et aux piétons. À ces soirées de travail sont conviés tous les citoyens, groupes d’action, gens du milieu intéressés et quiconque désireux d’apporter sa participation constructive. Il se dégage de ce projet un enthousiasme communicatif. Les personnes rencontrées à ce jour partagent un désir réel d’implication et d’action positive. L’heure n’est plus au dénigrement ni aux critiques inutiles (finies les rancoeurs envers la funeste Sidac ). On admet que certaines interventions municipales, bien que portées par une volonté de bien faire, aient résulté en des demi-succès. On note de plus que le fait d’obtenir sans effort, de la Ville, la réalisation de certains travaux prive les usagers du sentiment d’y avoir participé. L’Implication du milieu et l’autonomie financière du programme protègent tout le processus contre la politicaillerie futile et les contrecoups qui pourraient suivre le remplacement d’un Conseil de ville par exemple.
Les villes qui ont complété ou qui sont en cours de processus, par exemple Roberval, Montmagny, La Baie et Caraquet partagent volontiers leur expérience avec les municipalités qui souhaitent la vivre. L’aspect humain devient, à bien y réfléchir, le cœur du processus. On ne doit plus attendre quoique ce soit des gouvernements. On ne compte que sur soi et sur l’impressionnante expertise de la communauté réunie lors des soirées de travail.
Il est un fait à souligner, le programme Rues Principales se situe à la fine pointe des méthodes de revitalisation des centres-villes. C’est ce qu’affirmait M. Huib Riethof de Belgique, lors d’un colloque tenu par Héritage Canada à Sainte-Foy en septembre dernier. M Riethof siège au gouvernement européen sur un comité qui étudie les questions sociales et urbaines. Nous apprenons en plus que les différentes approches développées autour du monde ont toutes en commun le dialogue avec la communauté et l’implication directe du milieu. Le conférencier a terminé son allocution par une mise en garde contre les quatre obstacles majeurs qui pourraient compromettre la bonne marche du processus que nous entamons; les tensions improductives entre la démarche sur le terrain et celle de l’administration extérieure à la zone à re-dynamiser; les stratégies locales émancipatrices ne trouvent pas de légitimité centrale; la pensée économique n’évoluera pas vers une nouvelle conception du rôle du travail et de la demande ( pouvoir d’achat et qualité de vie); les acteurs locaux et supralocaux ne sauront pas suffisamment profiter du virage et du pouvoir de gestion des habitants et ne s’orienteront pas assez vers une durabilité de la re-dynamisation.
Vu la pertinence d’appliquer ce programme à d’autres villes et villages du Saguenay-Lac-St-Jean, il est dans notre intérêt à tous de suivre les développements dans ce dossier et de répondre favorablement aux invitations qui seront bientôt adressées au public.