Je me suis demandé souvent ce qu’est devenu l’art dans l’architecture. On pourrait croire aujourd’hui qu’il s’agit d’un art mineur et sans importance. Or, il n’en est rien, puisqu’elle est le premier art. Elle abrite tous les autres arts. Larousse définit l’Art comme une expression désintéressées de l’idéal du Beau mais aussi l’ensemble des moyens, des procédés et des règles intéressant une activité ou une profession.
L’architecture a été pendant des siècles l’apanage exclusif des puissants. Les mécènes des époques révolues ont permis à « l’Art de Bâtir » de s’élever à des sommets extraordinaires. Les prouesses techniques et artistiques les plus poussées dont étaient capables les civilisations ont fait l’objet d’applications dans les bâtiments, monuments et grands travaux qui ont fait la fierté des villes et creusées les rivalités entre elles. Chaque société a su imposer ses valeurs par le biais de l’architecture : New-York avec ses gratte-ciel, Paris avec ses grands projets, etc. Le pouvoir du Prince ou celui de l’argent a su se servir de l’architecture pour réaliser ses desseins.
L’organisation sociale a oblitéré le paysage construit de tous les peuples. L’architecture s’est imposée comme le véhicule culturel le plus visible par la taille des œuvres et aussi par le pouvoir de séduction ou d’oppression qu’elle exerce sur la personne.
L’architecture est un art utile. Elle doit donner un rendement concret. C’est ce qui la différencie des autres arts. Elle allie une haute technicité à des notions tout à fait subjectives de confort, de bien-être et de beauté. L’œuvre doit s’intégrer à son environnement en garantissant une fonctionnalité durable. Elle porte en elle, outre les considérations sociales, techniques, économiques, fonctionnelles et esthétiques, une valeur symbolique.
L’architecture parle bien plus qu’on ne l’imagine. Elle exprime ce que l’on croit, nos aspirations, légitimes ou illégitimes, les moyens techniques et financiers, les influences culturelles, climatiques et historiques qui agissent sur les peuples et sur leur mode de vie. Elle exprime ce qu’on ne dit pas et qu’on observateur étranger saura voir et comprendre.
À l’heure de la haute-technologie où profit rime avec efficacité et mondialisation, l’architecture se demande : qu’est-ce que la société qui me nourrit désire, qu’a-t-elle à dire et de quoi rêve-t-elle?
On pourrait croire que l’expression architecturale d’aujourd’hui n’a plus rien à dire. En fait, c’est tout le contraire. L’architecture est-elle encore une forme d’art ? À cette question je réponds sans équivoque oui! Car elle témoigne encore et toujours de l’activité humaine et de ses préoccupations, de ses ambitions et de ses valeurs aussi moches ou merveilleuses soient-elles.
La liberté dont nous jouissons offre libre cours à une multitude d’approches, d’interprétations et de représentations architecturales. Chacune recherchant encore à exprimer une vision, une position sociale ou la puissance des individus dans la communauté. Notre société plus égalitaire rend l’architecture abordable au plus grand nombre. Ceci explique la diversité des constructions qui font de nos banlieues un éventail très bigarré d’expressions personnelles.
Je ne suis pas partisan de l’Art pour l’art. Je crois encore cependant que l’architecture s’inscrit parmi les disciplines consacrées à la fonctionnalité, à la beauté des lignes et des formes. Trop souvent, nos quartiers manquent d’harmonie. Ils s’enorgueillissent d’artifices formels éphémères issus de modes passagères. Résisteront-ils au poids des années ?
Si le passant qui déambule dans la ville trouve superficielle, fausse, insipide et futile l’expression architecturale des constructions récentes, c’est que l’architecture a su, bien malgré elle, exprimer les valeurs de notre société d’aujourd’hui. Peut-être excelle-t-on dans la technique et les procédés mais bien malheureusement, nous sommes à une année-lumière de l’idéal du Beau.