Tout récemment , on m’a parlé de la Société d’histoire du Saguenay-Lac-St-jean et j’avoue que ma connaissance réduite de cet organisme trahissait le malheureux chauvinisme qui afflige les habitants de la « capitale du Royaume ». Pour rédiger cette chronique (attention, texte rédigé en 1995), mes recherches m’ont conduit en des lieux qui m’étaient inconnus. J’y ai appris des secrets bien gardés, des anecdotes savoureuses dignes des romans les plus extraordinaires, issues de notre histoire régionale.
La Société d’histoire du Saguenay-Lac-St-jean ( SHL) loge dans l’édifice Paul-Tremblay, à l’ombre de l’église Saint-Joseph d’Alma. Il s’agit d’un immeuble un peu terne qui ne laisse pas transparaître le foisonnement d’idées qui anime ses occupants. La SHL a jusqu’à ce jour recueilli, conservé et diffusé des archives, témoins de notre histoire. Elle a aussi mis sur pied des expositions thématiques de grande valeur au Musée du Lac-St-Jean, qui partage les lieux avec la SHL. Dans l’exposition permanente « Passage », on parle de l’archéologie régionale, du commerce des fourrures, des voies de pénétration du territoire et de la colonisation , du contact des cultures amérindienne et européenne. On y présente aussi le réseau de peuplement régional et l’évolution de la municipalité d’Alma. Au moyen de cartes, de maquettes et de dessins, appuyés d’artéfacts de toutes époques, on nous fait revivre l’Histoire d’une manière instructive et agréable. Plus de six mille personnes visitent le musée tous les ans.
La SHL, son président M.Michel Brassard et sa directrice Mme. Danielle Larouche en tête, se prépare un bel avenir. Les musées de demain devront, selon la directrice, occuper un créneau très pointu et se spécialiser, de manière à approfondir, dans un cadre plus approprié, un ou des éléments de l’histoire régionale. Le ministère de la Culture et des Communications du Québec ajoute, par la voix de son représentant, M.Gaston Gagnon, qu’il importe de « se coller au territoire ». C’est à dire qu’il faudra à l’avenir maximiser l’effort de préservation et de mise en valeur de ce qui caractérise un secteur, une région. En ce qui concerne le rôle de la SHL, un repositionnement s’imposait suite à la venue de musées « spécialisés » : comme le musée traitant d’agriculture et de la colonisation à Lac-À-La-Croix, et comme le Centre d’interprétation de la Métabetchouan, qui traite de l’archéologie et de l’histoire.
Vu l’intérêt croissant tant en Europe qu’en Amérique du nord que suscite l’interprétation du patrimoine industriel, la Société d’histoire du Saguenay-Lac-St-jean réoriente sa mission en développant le créneau de l’industrie et de l’urbanisme.
La construction du barrage d’Isle-Maligne et la venue des grandes entreprises, avec tout l’impact économique, sociologique, urbanistique et architectural qui s’ensuivirent, forment le fond de scène devant lequel la Société entend axer l’interprétation de l’Histoire d’Alma. Cette approche a reçu un accueil très favorable des autorités municipales. Par exemple, le barrage dont il est question ici fut l’un des plus grands au monde à l’époque de sa construction, en 1925; le territoire d’Isle-Maligne a une valeur unique, avec Riverbend, pour sa richesse patrimoniale et conserve pratiquement intacts plusieurs aménagements datant du début de l’implantation de la grande industrie dans la région. Cette nouvelle approche de la SHL s’inscrit très bien dans le réseau d’activités touristiques de la région.
Il est maintenant question que la SHL, pour répondre adéquatement aux obligations qu’elle s’est données et exercer pleinement son nouveau mandat, re-localise ses quartiers dans l’ancien hôtel de ville d’Isle-Maligne. Il s’agit d’un projet de recyclage d’un des plus beaux fleurons de l’architecture « coloniale américaine » d’Alma. L’immeuble loge actuellement le Ministère de la Chasse et de la Pêche. Le centre d’archives sera lui aussi re-localisé et fonctionnera de la même manière qu’actuellement. La partie musée occupera une place de choix, au cœur de la zone patrimoniale. Il s’agit d’un heureux concours de circonstances. L’édifice, propriété de la société Immobilière du Québec a été offert à la ville d’Alma. C’est un projet cher aux dirigeants de la SHL qui, avec souvent peu de moyens, travaillent toujours avec passion à sauvegarder ce patrimoine qu’ils savent précieux et si fragile. La tâche de sensibilisation du public est grande et constitue un défi de tous les jours.
Les quartiers Isle-Maligne et Riverbend,grâce à une structure urbaine particulière dans la région à l’époque, constituent les traces visibles de la toute-puissance des grandes entreprises dans la première moitié de ce siècle. L’importance des moyens déployés par ces entreprises pour attirer des cadres compétents dans la région, et le souci de prendre en charge complètement toute une municipalité tiennent du phénomène qu’il sera très intéressant de découvrir.
En complément, le projet « Touralma », un réseau de sentiers aménagés dans les années quatre-vingts, sera réaménagé et adapté dans le but d’y inclure un point de vue unique sur le barrage et des éléments d’interprétation reliés au fonctionnement de la centrale. On propose par ailleurs d’offrir un panorama exceptionnel en modifiant le château d’eau pour y ajouter une plate-forme d’observation. On vise de plus, à instaurer des excursions menant tout droit au complexe de la Dam-En-Terre, une composante importante de la structure récréo-touristique d’Alma.
Les études de faisabilité vont bientôt apporter un éclairage plus précis quant au calendrier de réalisation de ces ambitieux projets. Madame larouche annonce le déménagement possible du centre d’archives de la MRC Lac-St-Jean Est à l’automne 1996. Quand à l’ouverture du nouveau centre d’interprétation sur l’industrie et l’urbanisme d’Alma, il faudra attendre un peu…mais qui ne sait attendre peut à loisir se promener dans les quartiers Isle-Maligne et Riverbend et vivre une expérience exceptionnelle.
Il faut souligner deux expositions d’un grand intérêt qui ont été réalisées par la SHL dans le cadre de son mandat : la première, actuellement en circulation dans le réseau de bibliothèques, présente en détail l’extraordinaire empire ferroviaire et touristique de Horace Jansen Beemer; la seconde exposition, jusqu’au printemps, présente au musée même « Bâtiments à travers le temps, Alma, 1863-1995 », un portrait du patrimoine immobilier industriel, institutionnel et domestique depuis ses débuts jusqu’à nos jours. Vu le grand intérêt qu’elle suscite, cette exposition fera l’objet d’une chronique spéciale dans un autre numéro de Lubie.
La culture comprend de très nombreuses facettes. Il est intéressant de mentionner ces projets qui présentent de l’originalité et qui sont d’un grand intérêt pour la collectivité. Certains, comme les villes de compagnie que l’on connaît dans la région, sont accessibles à tous. À vous d’y aller voir et de les découvrir.